David
Ben-Gourion, né dans la ville de Plonsk en Pologne,
en 1886, était le sixième enfant d'une famille
imprégnée de sionisme. Son père,
professeur d'hébreu, était un vétéran
des précurseurs du sionisme moderne - Hibbat Zion
(les Amants de Sion). Ben-Gourion, ou David Green comme
il s'appelait avant d'hébraïser son nom, reçut
une éducation juive "moderne" dans un
cheder (école primaire) où l'on enseignait
des matières laïques parallèlement
aux études religieuses.
Les qualités de direction et les inclinations politiques
de Ben-Gourion se manifestèrent très tôt.
A l'âge de 14 ans, il organisa un groupe de jeunes
pour constituer l'association Ezra qui avait pour vocation
de diffuser l'hébreu comme langue vernaculaire.
A 17 ans, il rejoignit le Poalei Zion (Travailleurs de
Sion) - l'une des premières structures politiques
du sionisme socialiste - un parti qui allait dominer l'élaboration
politique et sociale du sionisme pendant des décennies,
principalement sous sa direction.
Considérant
le sionisme comme une doctrine qu'il fallait personnellement
mettre en pratique en immigrant dans le Pays d'Isral,
il s'installa en Palestine en 1906, travaillant dans les
orangeraies et les vignobles des exploitations agricoles
juives créées deux décennies plus
tôt par les premiers sionistes, ainsi que dans le
gardiennage en Galilée.
Ben-Gourion
écrivit à son père des lettres poétiques
et polémiques décrivant la beauté
du pays - déclarant dans l'une de ses lettres que
"le peuplement du pays - tel est le seul sionisme
véritable; tout le reste n'est qu'une illusion,
verbiage creux et simple passe-temps"; il cachait
par ailleurs les difficultés comme les accès
de malaria et la faim. Parfois pendant des jours, voire
des semaines, il devait se contenter d'une pita par jour
ou moins. Mais lorsque son père lui envoya dix
roubles, Ben-Gourion, par fierté personnelle et
nationale, choisit de renvoyer l'argent, affirmant qu'il
n'en avait pas besoin.
Durant
les quatre années qu'il passa "sur la terre",
Ben-Gourion était déjà plongé
dans la politique travailliste et il devint membre du
comité central du Poalei Zion. En 1910, il entra
dans l'équipe rédactionnelle du journal
du parti à Jérusalem et commença
à signer ses articles "David Ben-Gourion".
En
1912, quatre ans après la révolution des
Jeunes Turcs, Ben-Gourion et une poignée d'autres
militants du Poalei Zion allèrent étudier
à l'Université d'Istanbul - espérant
développer des liens avec les élites et
modifier la politique ottomane antisioniste. Ses études
furent brutalement interrompues par le déclenchement
de la Première Guerre mondiale au moment où
il passait ses vacances d'été en Galilée.
L'année suivante, il fut expulsé de Palestine
par le gouvernement ottoman - ainsi que d'autres militants
sionistes dont Yitzhak Ben-Tzvi (second président
d'Israël).
En arrivant à New York en 1915, Ben-Gourion consacra
les deux années suivantes à constituer la
"section américaine" du sionisme travailliste.
C'est à cette époque qu'il rencontra et
épousa Paula. Ben-Gourion était initialement
opposé à une unité militaire juive
au sein de l'armée britannique, à l'instar
du "Corps des muletiers de Sion" de Jabotinsky,
craignant qu'elle ne mette en danger la communauté
juive de Palestine. Cependant, sous l'impact de la Déclaration
Balfour de 1917, il changea d'avis et s'associa à
l'appel de Jabotinsky en faveur de la création
de bataillons juifs au sein de l'armée britannique
pour libérer la Palestine de la domination turque.
Il fut lui-même volontaire, servant en Egypte dans
l'un des trois bataillons juifs - le 39e régiment
des fusiliers royaux.
En
1921, Ben-Gourion fut élu secrétiare-général
de la Histadrout, la Fédération générale
du travail, créée l'année précédente.
Il occupa ce poste jusqu'en 1935, pendant ce que furent
les années de formation de la Histadrout. Sous
sa direction dominante et parfois dominatrice, la Histadrout
créa nombre d'institutions économiques et
sociales qui allaient marquer la société
israélienne pendant plusieurs décennies.
Les réunions interminables étaient monnaie
courante ; lorsque Ben-Gourion rencontrait une opposition
à ses vues, il présentait sa position et
la répétait sans relâche - parfois
pendant une série de réunions - jusqu'à
ce que les sceptiques soient convaincus ou du moins conduits
par la lassitude à se soumettre.
Ben-Gourion
orchestra ainsi la création de la hevrat ovdim
(association des travailleurs), un réseau d'organisations
et d'entreprises gérées par la Histadrout
qui mirent en oeuvre l'expansion du peuplement rural coopératif
et de travaux d'infrastructure, développèrent
des industries et créèrent des cadres culturels,
des services de santé et même leurs propres
institutions financières. Parallèlement
aux fonctions de syndicat de la Histadrout, ce réseau,
fondamentalement, fournit l'infrastructure d'une nouvelle
société et de l'Etat en chantier.
En
1930, Ben-Gourion joua un rôle central dans le regroupement
des grandes tendances travaillistes en un appareil politique
hautement efficient - le Mapaï, un parti politique
qui allait guider et gouverner la société
israélienne durant les premières décennies
décisives de l'Etat, avec Ben-Gourion à
sa tête. En 1935, le sionisme travailliste était
la composante la plus importante de l'Organisation sioniste
mondiale, et le Mapaï put nommer Ben-Gourion au poste-clé
de président de l'exécutif de l'Agence juive
- l'instrument du mouvement sioniste pour le peuplement
- poste qu'il occupa jusqu'à la création
de l'Etat d'Israël en 1948.
Ben-Gourion
avait une conscience aiguë de sa place dans l'histoire
- classant méthodiquement la documentation relative
à son immense activité. A lui seul, son
journal personnel comprend des centaines de milliers de
pages. Animé à la fois par un désir
de diriger et d'apprendre, il était très
cultivé - en particulier en histoire et en philosophie
politique et religieuse - et sa bibliothèque personnelle
comptait quelque 20 000 volumes. Approfondissant les domaines
qui le captivaient, Ben-Gourion acquit la maîtrise
du grec pour lire Platon dans le texte.
Après
les émeutes arabes en Palestine, la Commission
Peel de 1937 proposa un partage du pays qui accordait
aux Arabes la "part du lion" de ce qui restait
de la Palestine du Mandat après la création
de la Transjordanie en 1922. Le monde juif était
en émoi. Cependant, Ben-Gourion, qui considérait
qu'un minuscule Etat juif constituait le fondement et
le levier de la réalisation des aspirations sionistes,
mobilisa toute son influence pour empêcher le rejet
du plan par le mouvement sioniste. Lorsque la direction
sioniste accepta le plan à contrecoeur, les Britanniques
décidèrent de ne pas l'appliquer. Le Livre
blanc de 1939 - qui restreignait l'immigration juive et
le droit des juifs d'acquérir des terres en Palestine
- fut considéré par Ben-Gourion comme une
trahison flagrante de la Déclaration Balfour. Néanmoins,
lorsque la Seconde Guerre mondiale éclata, il résuma
la politique sioniste générale en disant
: "Nous aiderons les Britanniques dans la guerre
comme s'il n'y avait pas de Livre blanc et nous lutterons
contre le Livre blanc comme s'il n'y avait pas la guerre".
Des dizaines de milliers de juifs palestiniens s'enrôlèrent
volontairement dans les forces britanniques, tandis que
le peuplement et l'immigration se poursuivaient - au mépris
du Livre blanc.
En
1942, Ben-Gourion contribua à la rédaction
du Programme de Biltmore - une nouvelle plate-forme du
mouvement sioniste - qui réclamait une immigration
juive de masse et, pour la première fois, se prononçait
publiquement en faveur de la constitution d'un Etat juif
en Palestine. L'adoption du programme constitua un changement
majeur dans le mouvement sioniste - le début de
la prédominance de la ligne militante de Ben-Gourion
et le rejet du "gradualisme" défendu
par Chaïm Weizmann (président de l'Organisation
sioniste mondiale) qui avait dirigé les efforts
sionistes depuis plus de deux décennies et était
le principal porte-parole du courant sioniste.
Lorsqu'après
la guerre le nouveau gouvernement élu en Grande-Bretagne
refusa d'abolir le Livre blanc, même après
la tragédie de la Shoah, la confrontation avec
les Britanniques devint inévitable. En 1946, Ben-Gourion
assuma la charge du portefeuille de la défense
à l'exécutif de l'Agence juive et mena la
lutte contre les Britanniques - défiant le blocus
instauré par eux pour empêcher une immigration
juive d'envergure, intensifiant les activités de
peuplement et, par la suite, remettant en question l'autorité
britannique.
La
détérioration de la situation conduisit
la Grande-Bretagne à porter la question de la Palestine
devant les Nations unies - une démarche qui culmina
le 29 novembre 1947 avec le plan de partage de l'Assemblée
générale de l'ONU. Le 14 mai 1948, veille
de l'expiration du Mandat britannique, Ben-Gourion - alors
à la tête du gouvernement provisoire - proclama
la création de l'Etat d'Israël. cliquez
ici
Ben-Gourion
dirigea et assura le passage d'une force militaire clandestine
en une armée régulière, démantelant
les groupes armés politisés existant avant
la création de l'Etat pour constituer une armée
unie, apolitique - les Forces de défense d'Israël.
Sa direction militaire consista en un rare mélange
de pragmatisme et d'esprit visionnaire. Sa détermination
fière, audacieuse et résolue, son organisation
dynamique et ses actions, liées à une foi
profonde et quasi-mystique dans la jeunesse israélienne,
jouèrent un rôle décisif dans la conduite
de la guerre d'Indépendance et ses conséquences.
Israël sortit victorieux de la guerre mais paya un
prix terrible : 6 373 tués, soit près de
1 % de la population.
Durant
les cinq premières années de l'Etat, en
tant que premier ministre, la direction énergique
et charismatique de Ben-Gourion permit une immigration
de masse qui doubla la population en quatre ans ; il affecta
la majeure partie des ressources limitées de la
nouvelle nation à l'intégration des immigrants
tout en assurant l'avenir des régions isolées
par la création de nouvelles localités.
Il institua également un système d'écoles
publiques. En tant que ministre de la défense,
il façonna le caractère et la structure
de l'armée.
Sur les questions internationales, Ben-Gourion exposa
sa carrière politique pour contraindre la nation
à l'approbation de l'accord hautement controversé
signé avec l'Allemagne de l'Ouest concernant les
réparations. Il conduisit le pays à adopter
une orientation pro-occidentale - évolution stratégique
qui prépara l'alliance avec la France et le Royaume-Uni
dans les années 1950 et 1960, consolidant la position
d'Israël dans les domaines diplomatique, économique
et militaire.
Au
cours des années 1960, Ben-Gourion demeura la personnalité
dominante de la vie publique en Israël, en tant que
premier ministre et/ou ministre de la défense.
Même durant deux brèves périodes durant
lesquelles il se retira de la vie politique active, dans
les coulisses, son influence demeura écrasante.
En 1953, épuisé par des années d'un
intense service public, Ben-Gourion démissionna
du gouvernement, choisissant de s'installer dans le kibboutz
Sdé Boker dans le Néguev - pour donner l'exemple
à la jeunesse israélienne. Avec son ton
bourru si caractéristique et sa façon dogmatique,
il réprimanda son équipe qui avait les larmes
aux yeux : "Au lieu de pleurer, vous feriez mieux
de venir avec moi !"
Deux
ans plus tard, il retournait à la vie politique
en tant que ministre de la défense, après
le "raté" des services de renseignement
("l'Affaire Lavon"). Après les élections
de 1955, il redevint premier ministre. Réévaluant
la politique militaire, il se fit l'avocat de ripostes
plus résolues contre les terroristes qui franchissaient
les frontières et adopta une stratégie fondée
sur une étroite coopération avec la France,
qui dura plus d'une décennie. La campagne du Sinaï
de 1956 - en dépit du retrait israélien
du Sinaï par suite des pressions internationales
- amena l'arrêt des actes de sabotage et des attentats
terroristes perpétrés contre les localités
du sud, et mit fin au blocus illégal imposé
par les Egyptiens aux navires israéliens dans la
mer Rouge.
La
personnalité complexe de Ben-Gourion associait
une realpolitik prophétique et des vues plus que
simplistes. En 1952, en visite dans le Néguev,
il demanda à un officier du génie s'il serait
possible de remplir d'eau le cratère de Ramon -
une gigantesque formation rocheuse naturelle dans le désert
du Néguev... Mais, en 1947, il avait fait pression
pour l'achat d'armement lourd - artillerie et aviation
- quand d'autres pensaient en termes d'infanterie légère.
En
1963, Ben-Gourion démissionna une fois de plus
du gouvernement pour protester contre les aspects moraux
de "l'Affaire Lavon". En 1965, il soutint une
réforme électorale et la formation d'une
nouveau parti politique, le Rafi. Les deux initiatives
s'avérèrent impuissantes à le ramener
au pouvoir. Ben-Gourion demeura membre de la Knesset jusqu'à
son retrait de la vie publique en 1970, à l'âge
de 84 ans.
Ben-Gourion,
l'une des personnalités les plus influentes du
sionisme moderne, est mort en 1973 et est enterré
à Sdé Boker.
Source
: Site du Ministere des Affaires etrangeres d'Israel